02 Apr
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Dans la nuit du 31 mars au 1er avril, la tombe de l’abbé Yann-Vari Perrot et la chapelle de Koad-Kev en Scrignac ont été dégradées. Des slogans en breton, antifascistes et demandant une quelconque expulsion, ont été inscrits sur la tombe profanée, le pied de la croix celtique a été brisé, la chapelle et une maison privée adjacente au site ont été taguées. Cet acte de vandalisme coïncide avec la célébration de la mort de Yann-Vari Perrot, tué par Jean Thépaut le 12 décembre 1943, mais célébrée chaque année le lundi de Pâques.

Si depuis son assassinat, Yann-Vari Perrot a fait couler énormément d’encre et a cristallisé les rancunes nées de la guerre, il y a néanmoins fort à parier que 99 % des Bretons ignorent désormais son nom. Les interventions pleines d’interrogations sur les réseaux sociaux de personnes ayant pourtant eu leurs enfants scolarisés en breton en témoignent.

Yann-Vari Perrot était avant tout un militant nationaliste breton, dans le sens le plus noble du terme : il voua sa vie pour aider le peuple breton à vivre décemment et à s’épanouir dans sa culture face aux assauts de la France. Certains retiendront plus son engagement chrétien, je retiendrai plus l’écrivain prolifique, le défenseur de la Bretagne, de sa culture et du breton, notamment sa participation à redonner au breton ses lettres de noblesse. Yann-Vari Perrot fait partie de ces hommes qui n’ont jamais faibli tout en redonnant ainsi à ceux qui voulaient l’entendre la fierté perdue aux générations de Bretons qui suivirent. Et il en est mort.

Il est certain que l’antifascisme hors-sol actuel et le citoyennisme aussi lénifiant aient en horreur le personnage de Yann-Vari Perrot. Il était si loin de la mièvre propagande fransquillonne envahissant nos ondes et nos feuilles de chou.

 

Au nom de quoi ?

La veille de son assassinat, Yann-Perrot signait un premier article intitulé Karnel Katyn, littéralement « le charnier de Katyn », dans lequel il dénonçait les massacres de milliers de civils et d’officiers de l’armée polonaise entre Smolensk et la frontière biélorusse, dans le cadre du pacte germano-soviétique entre l’Allemagne nazie et l’Union Soviétique. Dans les parages de Katyn, 22 000 personnes ont été exécutées et 60 000 membres des familles de ces victimes ont été déportées. Ces révélations dérangeaient au plus haut point les FTP se réclamant de l’héritage communiste, surtout en cette période trouble. Yann-Vari Perrot ne put en dire plus dans cette série d’articles, il fut assassiné par Jean Thépaut, originaire du bastion rouge de Scrignac, fervent militant communiste lui-même. Ce FTP s’avère également être l’auteur de nombreux sauvages assassinats aléatoires et des viols sur des jeunes filles. Après la guerre, il ne fut pas jugé et rejoignit sans encombre l’armée française au sein de laquelle il servit les intérêts colonialistes, notamment en Indochine, paradoxalement face au Vietminh.

Yann-Vari Perrot ouvrait son presbytère à tous, il entendait protéger tout le monde dans les moments les plus complexes. Les historiens s’accordent à dire que c’est cette attitude qui lui a joué des tours. Il avait forcément des atomes crochus avec les nationalistes bretons de tout poil mais il sut aussi donner un toit aux aviateurs alliés alors que son presbytère était occupé contre son gré par les soldats allemands.

Il est possible que Yann-Vari Perrot ait eu un rôle trouble, il est difficile de juger plusieurs décennies plus tard. Ce qui est sûr est que l’abbé Perrot mettait l’intérêt de la communauté avant sa propre vie qu’il vouait ainsi pour le bien commun. Incontestablement, son nationalisme était bien plus innocent que les deux impérialismes qui l’ont tué (le national-socialisme et le communisme) et le national-colonisalisme français. Lorsque l’on a conscience de tout le mal que la France a fait en Bretagne, de la violence de son centralisme, de son colonialisme relevant du même principe, puis que l’on vit cette résistance à l’injustice au quotidien à côté de notre peuple endormi, qu’aurait-on fait à l’époque ?

 

L’affaire Perrot a marqué l’histoire de la Bretagne car elle a scellé les tensions idéologiques et les rancœurs. Le communisme cocardier local a engendré un engagement militant breton. Un mouvement breton polymorphe est né, anti-nationaliste, jusque dans les courants universitaires toujours d’actualité. Ce folklorisme a aussi touché des maisons d’édition, des courants orthographiques, et a récemment fait le lit de l’anti-bretonnisme primaire tendant à faire les plus grossiers amalgames portés par la Libre Pensée ou des personnalités comme Françoise Morvan, auteure autoproclamée historienne, universitaire, voire même linguiste… Les idéologies politiques ayant marqué le XXème siècle font encore de nombreux disciples. Toutes ont bâti des dogmes et autres codes au nom de la restitution du pouvoir au peuple, de la défense du prolétariat et de l’exploitation humaine. Ils parlent de révolution sociale et ont réellement engendré des changements dans nos sociétés. C’est ainsi que les courants politiques communistes ont produit des symboles forts et ont vu émerger des personnalités. Leurs partisans ont choisi de vouer un culte quasi-religieux à telle ou telle figure de la révolution, selon leur préférence, et en placardent les symboles démesurés, rouges sang et agressifs

Au nom de la tolérance, de la doctrine sociale, sont-ils bien différents dans leur attitude et leurs intentions que l’ont été les partisans du national-socialisme ? La violence de leur propos, l’agressivité des symboles, l’intolérance affichée pour toutes celles et ceux qui ne partageront pas leurs principes, leur manque de discernement lors de situations complexes ou leur désir de tout simplifier n’est-il pas le substrat de toute idéologie totalitaire ?

Dans les faits, le nazisme a tué plusieurs millions de personnes lors de combats ou ont volontairement été exterminées. Au nom du communisme, c’est peut-être dix fois plus de victimes mais l’on considère encore qu’il faut parfaitement dissocier les dogmes des événements aux aboutissants résolument meurtriers. Les historiens et les sociologues ont peine à séparer l’idéologie de l’action des dirigeants politiques qui l’ont portée, comme l’on peut séparer les dogmes religieux des croisades et autres guerres saintes. Pour le cas des doctrines politiques nous concernant dans le présent sujet, il faut bien convenir que leurs défenseurs portent le fanatisme des symboles, le culte de personnalités et par conséquent brandissent les spectres de l’intolérance, de la haine et de la violence.

C’est tout le paradoxe des luttes populaires dont les stéréotypes ont vécu. Les grands calicots à l’effigie de Lénine, de Trotsky, puis du Che, etc. et pourquoi pas ceux de Staline et de Mao, ne relèvent plus seulement du folklore de l’adolescence quand toute la mise en scène verse dans l’intransigeance et l’action violente. Elle porte aussi les paradoxes d’une gauche internationale qui souhaite défendre les peuples, les nations face « aux oppressions » mais qui s’opposera à la notion tout à fait humaine de territoire, de communauté nationale. Cette gauche se lèvera contre le Capital s’avérant destructeur de l’Humanité mais peinera à trouver sereinement une période de transition dans le monde réel. Elle pestera contre les symboles et la notion de limites territoriales mais s’empressera de défendre des ZAD (des Zones A Défendre) de manière très irrédentiste et animale et d’en brandir différents sigles.

Un mouvement breton moderne doit sortir de ces caricatures.

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