17 Jan
17Jan

17/01/2018

Par une allocution spéciale, à l’issue du Conseil des ministres, le premier ministre a rendu publique la décision d’abandonner le projet aéroportuaire de Notre-Dame-des-Landes.


Malgré la pression des élus de son propre gouvernement, on peut dire que l’arbitrage est relativement pondéré.


Qu’a dit en substance Edouard Philippe et comment l’entendre ?


-        L’abandon du projet au profit d’un agrandissement de Nantes-Atlantique et d’autres aéroports comme Rennes -St-Jacques « si la Bretagne l’accepte ». Parallèlement, une mise en réseau des aéroports de Brest à Nantes et Rennes :
La notion déjà floue de Grand-Ouest, néanmoins toujours martelée par Edouard Philippe, n’avait plus lieu d’être. La Bretagne historique et sa zone limitrophe sont seules concernées depuis le départ : la consultation du premier ministre avant la publication de cette décision définitive d’enterrement du projet ne fait que le démontrer, s’il y avait besoin.
La mise en réseau est-elle, quant à elle, pertinente ? Elle ne le sera pas pour les correspondances dans tous les cas, ça n’existe d’ailleurs nulle part dans le monde.


-        Le développement de Nantes-Atlantique est possible et moins coûteux :
Les études commandées le prouvent, effectivement. Il n’y aura pas d’impact sur l’environnement, notamment la réserve de Grand-Lieu, le plus grand lac de Bretagne. Rappelons que les promoteurs attendaient de pied ferme la décision pour construire aux abords de cette réserve naturelle.


-        Le fret sera délocalisé à Saint-Nazaire et c’est une bonne idée.


-        Le retrait du projet tient compte d’une population partagée à « parts presque égales » : en fait, il s’agit de la consultation locale, fortement influencée de surcroît. La Bretagne occidentale était largement défavorable à ce renforcement du déséquilibre entre l’Ouest et l’Est. Et ne parlons même pas du Grand Ouest parisien : ni la partie Est du Maine, ni l’Anjou, ni la Basse-Normandie ne se détourneraient des aéroports franciliens. La décision semble toutefois mesurée cette réalité, sans le dire.


-        Les lignes LGV seront renforcées pour permettre aux « habitants de l’Ouest » (de Paris, bien évidemment) de prendre les longs courriers vers des destinations internationales : ça nous pendait au nez !
L’absence de maturité politique des Bretons et la médiocrité de leurs élus n’ont pas permis un plan B. Un aéroport international sur un site existant aurait été une aubaine pour l’activités des sociétés qui se plaignent du centralisme. Au bout du compte, nous allons encore nous rapprocher de Paris plutôt que de voler de nos propres ailes. N’oublions pas, le rapprochement de Paris que la Région « Bretagne » finance à 90 % à travers la LGV (plus en vérité car le reste est financé par les dotations confisquées) est néfaste pour la Bretagne : l’exil des actifs est accentué ; la centralisation des sièges d’entreprises, des richesses…  profitent d’un plébiscite alors qu’il s’agit pourtant du cancer qui nous ronge depuis des siècles. Les retraités franciliens s’installent en masse, rendent l’immobilier inaccessible et poussent encore plus la population dehors.


-        Les terres pourront être restituées aux agriculteurs et les zadistes ont jusqu’au printemps pour partir :
le gouvernement n’a pas osé l’exclusion brutale qui se serait retournée de toute façon contre lui-même. La stratégie d’apaisement atteint ses limites par une menace différée mais toujours présente pour ceux qui ont permis l’annulation du projet en s’y installant. Si les enjeux ne sont désormais plus les mêmes, l’Etat tente de « normaliser » des propriétés foncières au sort jusque-là incertain. L’Etat français y a semé la pagaille, sa légitimité localement est vacillante.


-        L’Etat négociera avec Vinci : cela veut dire que la firme internationale sera payée comme si l’aéroport avait été construit et qu’elle bénéficiera probablement d’autres projets importants.

 


Pas d’ailes pour l’Ouest mais donnons-en à la Bretagne.



La décision gouvernementale de ce mercredi 17 janvier signe l’épilogue de 50 ans de batailles diverses et d’entêtement des « élus ouestins ». Edouard Philippe souligne lui-même la caducité d’un projet plusieurs fois requalifié : NDDL devait être un site adapté au Concorde au départ, puis il devait servir à désengorger les aéroports parisiens. Il s’agit par là d’un aveu du gouvernement de la vision centraliste : quand Paris s’intéresse au financement d’infrastructures non-franciliennes, c’est systématiquement en fonction de ses intérêts.


Ce jour marque aussi la défaite du Grand Ouest face à une demi-victoire d’une Bretagne qui a du mal à trouver son propre souffle. L’opposition reste bien « citoyenne », rebelle mais pas trop. Le maître reste parisien, le mouvement est « national français », même chez les anarchistes qui se targuent de ne défendre aucun drapeau ni territoire… et pourtant, de quoi s’agissait-il ? Les Bretons n’ont pas vu l’intérêt d’un aéroport international. Leur opposition bien partagée est restée paradoxalement focalisée sur une aire géographique très locale et sur des problématiques écologiques que l’on trouve ailleurs, et puissance dix ! Cette conscience écologiste est positive mais elle sent encore l’effet de foule.


Aucun des deux camps n’a voulu vraiment aborder le sujet de l’aménagement du territoire, de la décentralisation. Cette idée d’aéroport en plein champ, hors de toute voie de communication routière ou ferroviaire, relativement éloignée de l’agglomération nantaise ne laisse toujours pas d’étonner. Pourtant, un débat a bien eu lieu.


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