02 Jun
02Jun

La Bretagne aux enchères !


L'explosion du marché de l'immobilier, due à l'achat à prix d'or de nos terres et de nos maisons par une bourgeoisie principalement francilienne, empêche définitivement aux gens d’ici l’accession à la propriété. Celle-ci est même devenue quasiment impossible pour les classes moyennes. Le taux moyen d’apport diminue et la durée des prêts s’allonge : dès 2006, 47,1% des acheteurs ont choisi un emprunt de 25 ans et plus. 29% ont pris un emprunt de 20 ans et 8,1% de 15 ans (source : Adil 2006). En 2021, le plafonnement à 25 ans n’empêche pas la proportion des contrats de prêt immobilier signés sur plus de 20 ans d’enfler à vue d’œil chez les accédants : elle est de 53,5% en janvier 2021, contre 49,6% sur l’ensemble de l’année 2020 sur l’ensemble du territoire de l’Etat. L’arrivée massive de retraités aisés en est l’une des causes aggravantes sur le littoral. 


Devrons-nous tous faire nos bagages ? 


Parallèlement, la débretonnisation des emplois s'accélère, particulièrement en ce qui concerne les fonctions d'encadrement. On assiste à un parachutage de cadres dans la fonction publique, installés par relations ou complicités diverses. L’Etat hypercentralisé place délibérément la Bretagne en périphérie européenne, perçue comme un réservoir humain aux petits soins de l’Ile-de-France. Dès lors, les jeunes entrant sur le marché du travail sont la proie de l’impitoyable loi du système économique, autant dire esclaves de la fluctuation du marché (précarité de l’emploi dans l’agro-alimentaire, la grande distribution, emplois saisonniers, etc.) ou rejoignent le cortège de milliers de jeunes qui vont grossir les rangs des millions de Bretons exilés, et de leurs descendants. En attendant cette triste alternative, il reste les stages alibis, le RSA ou le chômage. 

Le paroxysme est atteint sur le littoral breton. Rien qu’aux abords du Golfe du Morbihan où se massent 150 000 habitants, presque la moitié des acquéreurs de maisons ou d’appartements ne viennent pas de Bretagne. Dans ce lieu très prisé des retraités, les acquéreurs locaux ne représentent plus que 18,8 % du marché. Cette situation rend illusoire toute installation durable de jeunes actifs. 

Ce monopole de seniors venus d’ailleurs génère un favoritisme politique au détriment des retraités bretons moins bien nantis, parfois passés d’une classe moyenne à la situation de précaires. Autre conséquence, les écoles des communes proches du littoral se vident alors que le coût de développement des structures pour le troisième âge augmente.


Allons-nous accepter encore longtemps de jouer les valets ? 


Cette nouvelle population aisée se substituant à la population bretonne s’installe en maître jusqu’à interdire à notre culture de s’exprimer. Certains d’entre eux, pour avoir évolué dans les hautes sphères des salons de l’Etat, détiennent déjà les rênes du pouvoir avant même de débarquer sur leurs nouvelles terres. Ces derniers ont réussi, à coups de pétitions et autres pressions en accord avec les élus, à museler le dynamisme naturel de nos communes : les rues des villes deviennent silencieuses, les bars et les lieux de vie doivent obéir aux règles des nouveaux occupants du centre-ville. Des péninsules du littoral voient leur accès privatisé et surveillé par des vigiles, devenant ainsi de véritables embryons de quartiers à l’américaine avec leur police privée. C’est le cas de plusieurs accès au littoral du golfe comme à la pointe et au port du Blaire à Baden, Conleau, la Pointe d’Arradon, bientôt la côte d’Auray à Port-Louis ? 

Dans le même sens, les politiques locaux prônent le choix du tout tourisme, une économie morte qui risque de donner le coup de grâce à une activité économique diversifiée qui profitait à l’emploi et au confort de vie des résidents (dans son projet de "Menhirland" à Carnac, l’Etat a procédé à des expropriations sacrifiant par le même biais des exploitations agricoles, de l’artisanat et des petits commerces…). 


La surpopulation du littoral : une bombe à retardement… 


Cette mise aux enchères de la Bretagne entraîne aussi des conséquences gravissimes sur le littoral et la santé publique. En effet, la concentration des résidents s’ajoutant à un tourisme de masse amène au bétonnage du littoral (malgré la loi "littoral"), à un coût exorbitant de gestion de l’eau et d’assainissement, à une surconsommation estivale de l’eau potable (exemple du transport d’eau potable vers Belle-Ile, financé par le Conseil Départemental du Morbihan, autant dire par les seuls contribuables du département), à un difficile traitement des déchets (pollution des incinérateurs comme à Plouharnel), à une réfection des zones naturelles mises à mal après chaque saison touristique, à une pollution des eaux maritimes (hydrocarbures dans le Golfe, prolifération des algues vertes…), à une surconsommation d’énergie, à une pollution de l’air par les gaz d’échappement des véhicules, à une diminution notable de la biodiversité et des populations animales, etc. 

A noter que ces frais sont supportés essentiellement par les contribuables bretons (Conseils départementaux et régional) ! Loin d’être inquiets, les élus semblent plus prompts à se placer pour les prochaines échéances électorales françaises dans le seul but de maintenir leur petite souveraineté locale, en restant les fidèles vassaux des forces centrales au pouvoir. 


      La spéculation immobilière entraîne différentes conséquences : 


  • Une économie de précarité de l’emploi et dépendante ;
  • Une économie exclusive (tourisme, services à la personne…), évinçant les autres secteurs d’emploi ;
  • La hausse du prix de l’immobilier qui se traduit par l’impossibilité des actifs d’habiter près de leur lieu de travail et la paupérisation des retraités bretons plus modestes que les nouveaux arrivants, souvent franciliens ;
  • Des effets irrémédiables sur l’environnement : bétonisation du littoral ; construction de lotissement palliatifs dans des zones rurbanisées hâtivement (éloignées des lieux de travail et générant une pollution liée aux trajets motorisés domicile-travail), destruction des bassins versants, des sources, artificialisation irrémédiable des sols… Des déplacements motorisés de plus en plus longs et donc polluants.
  • Des villes perdant leur identité, leur vie de faubourg ; des communes où jusqu’à 80 % des maisons ont les volets clos 10 mois dans l’année.
  • Des services de santé engorgés et à la charge de la région administrative.
  • Des municipalités qui ne peuvent plus répondre à la demande de logements à loyer modéré.
  • Un changement de mentalité brutal sur la notion de propriété : clôtures élevées, privatisation des lotissements, surveillance accrue et perte de confiance entre résidents ; dans l’arrière-pays, des villages sertis par des lotissements, souvent cités dortoirs à perte de vue, occasionnant la rupture de liens sociaux, la perte de solidarité et d’identité.


Sortons au plus vite de l’impasse ! 


Pourtant, des femmes et hommes parlent de justice sociale, de droit de vivre, travailler et décider au pays, d'aménagement équilibré du territoire, s’impliquent sur le terrain, font le choix politique du développement durable, défendent le droit à l’accès à la culture pour tous et la promotion de l’identité bretonne... 

Contre cette véritable exclusion, nous savons que nous changerons les orientations politiques par la mobilisation. Il nous faut expliquer, nous rassembler afin de nous permettre de sortir de l’impasse par la création d’un véritable établissement public foncier breton, aux ambitions plus importantes que l’embryon existant, pourtant tant réclamé. 



De nombreuses nations du monde s’organisent pour résister à la loi du marché de l’Etat dominant : des voisins européens Corses, Basques ou Catalans jusqu’à de nombreux pays d’Afrique. 


A toute question politique une réponse politique :


- La priorité d’embauche pour les résidents bretons, les membres de leurs familles expatriées et toute personne extérieure, conjoint-e-s ou s’engageant clairement à œuvrer pour l’emploi ou l’identité bretonne ;

La création d’un statut de résident permanent pour limiter la spéculation immobilière et permettre aux actifs de se réapproprier nos villes et villages.

L’arrêt du financement des transports publics franciliens d’une part (dont le montant permettrait de développer nos réseaux) et des transports au profit de Paris, comme la LGV (ligne ferroviaire rapide Paris-Rennes), d’autre part, alors que bien d’autres axes de transport sont à développer entre la Bretagne et le reste de l’Europe. 


Entretien pour le magazine italien Dialogo.

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