16 Jun
16Jun

Les élus d’Auray Quiberon Terre Atlantique (AQTA) s’opposent à l’installation de 25 familles de Gens du Voyage à Plouharnel, dans les jours à venir. Pourtant, cette demande s’inscrit dans une réalité connue et stable : chaque été depuis dix ans, ces familles reviennent sur les mêmes lieux pour exercer leur activité professionnelle. Elles vivent des marchés estivaux de la presqu’île de Quiberon. C’est leur gagne-pain, leur source de revenu essentielle, celle qui leur permet de subvenir à leurs besoins tout en maintenant un mode de vie sobre et mobile.

Ce sont des familles anciennes, enracinées dans une tradition bien vivante en Bretagne. Elles demandent à pouvoir s’installer quelques semaines sur un terrain herbeux, en bordure des zones artisanales, sans construction ni béton. Une installation temporaire, légère, qui leur permet de travailler dans de bonnes conditions.

En 2023, ces familles ont versé 10 000 euros à la mairie de Plouharnel pour pouvoir s’installer. Elles demandent simplement des conditions dignes : gestion des déchets, sanitaires, recyclage – les mêmes installations prévues pour n’importe quel événement estival. Et elles y sont favorables.

Pour justifier leur refus, les élus invoquent l’existence d’une aire de grand passage. Mais celle-ci est éloignée de plusieurs dizaines de kilomètres, et déjà occupée. Elle ne répond donc ni aux besoins ni à la réalité des déplacements estivaux. Plus largement, les aires d’accueil pour les Gens du Voyage sont notoirement insuffisantes, ici comme ailleurs, malgré les obligations légales. Et ce manque d’anticipation est précisément ce qui provoque les tensions.

Pendant ce temps, la transformation du littoral breton s’accélère sous l’effet d’une spéculation immobilière galopante, qui n’a rien à voir avec ces familles. À Plouharnel, un tiers des logements sont désormais des résidences secondaires. Des bois sont rasés, des bassins versants et des zones humides détruits. Des villas aux piscines creusent profondément les sols. Et les habitants actifs, même ceux qui ont grandi ici, ne peuvent plus accéder à la propriété, ni parfois même se loger.

Ce que demandent les Gens du Voyage est à l’opposé de cette logique destructrice : pas de fondation, pas de béton, pas d’atteinte durable à l’environnement. Juste un espace herbeux, pour quelques semaines, afin de vivre de leur travail.

L’attitude de certains élus interroge. Philippe Le Ray, président d’Auray Quiberon Terre Atlantique (AQTA), la communauté de communes qui regroupe 24 communes du pays d’Auray, s’était illustré lors des élections législatives de 2012 en déclarant publiquement, lors d’un débat à Locoal-Mendon, qu’il entendait laisser libre cours au bétonnage du littoral breton. Cette position assumée prend aujourd’hui une dimension plus concrète : il est au centre d’une controverse pour l’installation à Ploemel, où il est agriculteur, d’un hangar agricole de taille démesurée, dans le cadre d’une exploitation conventionnelle et intensive. 

Comment, dans ce contexte, justifier qu’on refuse à des familles modestes le droit de poser temporairement leurs caravanes sur un terrain enherbé, sans fondation ni artificialisation ? Ce contraste entre ce qu’on interdit aux uns – une installation réversible et saisonnière – et ce qu’on autorise aux autres – des aménagements lourds, durables, souvent destructeurs – dit beaucoup d’une politique locale déséquilibrée.

Ces familles ne cherchent ni passe-droit ni privilège. Elles demandent à être considérées comme des habitantes de passage connues, régulières, et économiquement actives. Elles font partie du territoire. Ne pas les accueillir, c’est nier une réalité sociale enracinée, et sacrifier une économie locale vivante au profit d’une logique spéculative, qui refuse la diversité des formes de vie et de travail.

Il arrive un moment où il faut choisir : entraver celles et ceux qui vivent ici et font vivre le pays, ou soutenir une économie diversifiée et ancrée dans les usages et les lieux. 


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